Voici la contribution que j’ai faite lors du 36e Congrès des Barreaux des pays francophones organisé à Niamey au Niger les 7 et 9 décembre 2022 autour du sujet suivant : “Instabilité politique et sécurité juridique.”
C’est un grand honneur de prendre part pour la première fois, à la conférence internationale des barreaux. Je remercie les organisateurs de m’avoir invitée à faire une présentation et par la même, de m’avoir permis, à travers toutes les interventions que j’ai écoutées ce matin, de mieux connaitre la CIB, une organisation engagée dans La Défense des droits de la personne, de la démocratie et de la promotion de la justice. J’ai envie de dire une bonne justice.
Je voudrai demander votre indulgence et la permission de faire une digression pour saluer ceux de mes anciens étudiants présents dans la salle, qui sont aujourd’hui avocats et plus particulièrement le bâtonnier de l’ordre des Avocats du Niger. Je les ai eus comme étudiants en première année de fac de droit, en 1991, il y a une trentaine d’années, et c’est la première fois que je les revois depuis lors. Je voudrai leur dire toute ma fierté de voir ce qu’ils sont devenus et surtout leur souhaiter bon vent dans leur carrière.
Selon les chiffres du HCR (2020), il y aurait aujourd’hui 82,4 millions de personnes réfugiées à travers le monde et plus de la moitié d’entre elles au moins de 18 ans.
Nous avons tous instinctivement tendance à considérer comme réfugié toute personne ou tout groupe de personne en mouvement (migrant) alors qu’une personne, pour être considérée comme réfugiée, doit remplir deux critères :
• Elle doit se trouver hors de son pays d’origine en raison d’une crainte de persécution, en raison de conflit, en raison de violences ou en raison d’autres circonstances qui ont gravement bouleversé l’ordre public ;
• Elle doit avoir franchi les frontières en quête de sécurité dans les pays voisins.
Ces conditions réunies, cette personne est de ce fait, reconnue internationalement en tant que réfugiée et a accès à l’assistance internationale (États, HCR, ou autres organisations compétentes).
Ce statut lui est accordé d’une part, parce que :
• D’une part, il est dangereux pour elle de retourner dans son pays ce qui la met dans le besoin de trouver refuge ailleurs, mais également
• D’autre part parce que le refus de lui accorder l’asile aurait pour elle des conséquences potentiellement mortelles.
Cependant, il convient de relever qu’il existe plusieurs catégories de migrants qui n’ont pas tous le statut de réfugiés (migrants économiques, étudiants, travailleurs « sans papier », regroupement familial. Chacune de ces catégories a son fondement juridique propre et la plupart du temps, les États fixent librement les conditions d’accueil et de séjour des étrangers.
La question qui m’est posée « Accueil des réfugiés : obligation internationale ou courtoisie diplomatique ? » limite le champ de réflexion aux seuls réfugiés tels que définis ci-dessus, c’est-à-dire, ceux qui remplissent les conditions pour bénéficier de la protection internationale.
Alors que l’obligation internationale découle d’un traité ou d’une Convention internationale et lie l’État contractant aux obligations qu’il a librement souscrites, la courtoise diplomatique, se définit en général comme une « attitude de politesse raffinée mêlée d’élégance et de générosité ». Elle se pratique même en dehors d’une règle écrite. Elle est codifiée et s’applique principalement aux employés diplomatiques »[1].
Dans le contexte qui nous intéresse, parler de « courtoise internationale » signifierait que les États accueilleraient les réfugiés non pas parce qu’ils y sont astreints dans le cadre d’une obligation internationale mais par simple générosité qui est à leur totale discrétion.
Pour répondre à cette question, nous allons d’abord passer en revue les éventuelles normes existantes sur l’accueil des réfugiés pour ensuite analyser l’état la mise en œuvre de celles-ci.
Il existe plusieurs Conventions internationales et régionales relatives au statut des réfugiés.
A. La Convention des Nations-Unies de 1951 relative au statut des réfugiés et son Protocole
a. La Convention de Genève
Elle a été adoptée le 28 juillet 1951. Elle est entrée en vigueur le 22 avril 1954. Selon ses dispositions, cette Convention doit être appliquée sans discrimination par rapport à la race, la religion ou le pays d’origine du requérant. Elle prévoit diverses garanties contre l’expulsion des réfugiés ainsi que des dispositions relatives à l’obtention des documents qui leur sont nécessaires, y compris un titre de voyage, qui se présente sous la forme d’un passeport[2].
Certaines dispositions de la Convention sont jugées si importantes qu’elles ne peuvent faire l’objet d’aucune réserve. C’est le cas notamment de la définition du terme “réfugié” et du principe du non-refoulement, selon lequel aucun État contractant n’expulsera ou ne refoulera en aucune manière un réfugié, contre sa volonté, vers un territoire où il craint d’être persécuté.
Alors que les instruments internationaux antérieurs ne s’appliquaient qu’à des groupes particuliers de réfugiés, la définition du terme “réfugié” contenue dans l’article 1 de la Convention de 1951 est conçue en termes généraux. Cependant, la portée de la Convention est limitée aux personnes devenues des réfugiées par suite d’événements survenus avant le 1er janvier 1951(2).
Avec l’apparition de nouveaux groupes de réfugiés, il s’est avéré de plus en plus nécessaire d’étendre les dispositions de la Convention à ceux-ci. C’est la raison pour laquelle un Protocole relatif au statut des réfugiés a été élaboré et présenté à l’Assemblée générale des Nations Unies en 1966. Par sa résolution 2198 (XXI) du 16 décembre 1966, l’Assemblée a pris acte de ce Protocole et a prié le Secrétaire général d’en communiquer le texte aux États pour leur permettre d’y adhérer.
b. Le Protocole relatif au statut des réfugiés de 1967
Le texte authentique du Protocole a été signé par le Président de l’Assemblée générale et le Secrétaire général de l’Organisation des Nations Unies à New York, le 31 janvier 1967, puis transmis aux gouvernements. Le Protocole, qui supprime les restrictions temporelles et géographiques mentionnés dans la Convention de 1951, est entré en vigueur le 4 octobre 1967.
En adhérant au Protocole, les États s’engagent à appliquer les dispositions de fond de la Convention de 1951 à tous les réfugiés auxquels s’étend la définition du terme “réfugié”, mais sans limitation de date. Bien qu’il soit ainsi relié à la Convention, le Protocole n’en garde pas moins un caractère propre. Tous les États peuvent y adhérer, même ceux qui ne sont pas parties à la Convention.
La Convention et le Protocole constituent les principaux accords internationaux sur la protection des réfugiés.
Leur caractère fondamental a été largement reconnu tant sur le plan international que sur le plan régional en effet, l’adhésion à la Convention et au Protocole a été recommandée aux États aussi bien par l’Assemblée Générale des Nations-Unies que par diverses organisations régionales comme le Conseil de l’Europe, l’Union Africaine et l’Organisation des États américains.
Au 17 octobre 2019, environ 146 États étaient parties à l’un de ces instruments ou aux deux et sont en conséquence liés par l’obligation internationale qu’ils ont librement contractée et à leur décision de se soumettre à la Convention et au Protocole et d’en respecter les engagements ainsi souscrits (145 à la Convention de 1951 ; 146 au Protocole de 1967 ; 142 parties aux deux instruments ; 2 États parties seulement à la Convention de 1951 (Madagascar et Saint-Christophe-et-Niévès ; 3 sont uniquement au Protocole (Cap vert, Etats-Unis et Venezuela) ; 49 États n’ont pas signé la Convention de 1951 ni son Protocole de 1967.
A tous ces États parties, la Convention de Vienne demande de prendre les dispositions nécessaires, dans leurs réglementations nationales pour transposer ce traité international dans leurs systèmes juridiques respectifs.
Aux termes de la Convention et du Protocole, les États contractants s’engagent à coopérer avec le Haut-Commissariat des Nations Unies pour les réfugiés dans l’exercice de ses fonctions et en particulier à faciliter sa tâche de surveillance de l’application des dispositions de ces instruments.
Plusieurs instruments régionaux ont, par la suite, été adoptés sur la base de la Convention de Vienne et du Protocole de 1967. En Afrique et en Amérique Latine notamment, où, en raison de nouvelles situations crées par les déplacements massifs de personnes ayant besoin d’une protection et d’une assistance internationale, des réponses adaptées et efficaces s’imposaient pour prendre en compte les besoins spécifiques de ces régions.
B. La Convention de l’OUA régissant les aspects propres aux problèmes des réfugiés en Afrique
La Convention de l’OUA, adoptée en 1969, est un complément régional à la Convention des Nations Unies de 1951. Par le biais de la Convention, les États membres de l’OUA s’engagent à :
· Ne pas rejeter les réfugiés à la frontière, et à
· Ne pas les retourner ou les expulser vers leur pays d’origine.
Pour prendre en charge de façon plus efficace le nombre toujours croissant des réfugiés sur le continent, la Convention a apporté quelques innovations[3] à la Convention des Nations Unies sur plusieurs aspects :
Elle élargit la définition du Réfugié en intégrant notamment le cas du « réfugié régional ». Elle offre une protection juridique à une catégorie plus large de personnes face aux problèmes croissants des réfugiés sur le continent. Cette définition plus large a permis l’application de la Convention à des groupes particuliers de réfugiés ainsi qu’à des réfugiés isolés.
Elle va beaucoup plus loin que la Convention de Genève notamment en ce qui concerne les raisons pour lesquelles les populations peuvent être obligées de fuir leur pays. Elle y ajoute notamment l’agression, l’occupation extérieure, la domination étrangère qui n’étaient pas retenus par la Convention de 1951 et qui répondaient à la situation spécifique de l’Afrique ;
Alors que la Convention de Genève autorise les États contractants à établir la qualité de réfugié d’une personne[4], la Convention de l’OUA a « façonné » l’approche « prima facie » qui permet de reconnaitre le statut de réfugié d’une personne sur la base de la simple présomption qu’elle peut être incluse dans l’une des catégories prévues dans la définition. Cette approche permet d’apporter des réponses adéquates au manque de capacité des pays africains d’évaluer le statut de chacun des réfugiés se présentant à ses frontières, mais également d’accélérer leur prise en charge ;
Enfin, la Convention de l’OUA franchit un pas vers le renforcement de la position de l’individu en matière d’asile. Alors que dans la Convention de 1951 et le Protocole de 1967 l’octroi de l’asile est laissé à la discrétion des États[5], la Convention de l’OUA fait obligation pour les États membres de « faire tout ce qui est en leur pouvoir, dans le cadre de leurs législations respectives, pour accueillir les réfugiés et assurer » leur établissement[6].
C. La Déclaration de Carthagène de 1984 sur les réfugiés
La déclaration de Carthagène réunit les pays de l’Amérique latine et des Caraïbes. Elle s’inspire largement de la Convention de l’OUA et a retenu la définition élargie du terme « Réfugié ». Elle est un élément crucial de la protection des réfugiés et met en place un processus décennal sanctionné par une déclaration et un plan d’action, qui ouvre la voie à des initiatives révolutionnaires en matière de protection des réfugiés.
Cette Déclaration de Carthagène renforce le régime de la protection internationale des réfugiés, des déplacés et des apatrides sur 3 bases :
• Importance centrale du principe « pro-hominem[7] » ;
• Fiabilité des instruments relatifs aux réfugiés et aux apatrides,
• Convergence et complémentarité du Droit international
Il ressort des analyses ci-dessus que l’accueil et la protection accordés aux réfugiés découlent bel et bien de Conventions internationales. Tous les États parties à ces Conventions ont donc une obligation internationale de respecter les engagements qu’ils ont librement souscrits en devenant partie à celles-ci[8].
Cependant, la pratique est, dans certains cas, aux antipodes de l’obligation contenue dans les instruments internationaux ce qui justifie la question posée dans le thème à l’étude.
De nos jours, les réfugiés connaissent des fortunes diverses en fonction des États aux frontières desquels ils se présentent.
1. Certains pays les accueillent à bras ouverts et prennent toutes les dispositions pour les protéger. C’est par exemple le cas de l’Allemagne en 2015 à l’occasion de l’afflux des réfugiés syriens vers l’Europe[9].
2. D’autres États ferment leurs frontières voire construisent des murs ou des barrières diverses[10] pour interdire l’accès de leur territoire aux réfugiés malgré la détresse dans laquelle ils se trouvent. C’est le cas de la Hongrie, de la Pologne, de la République Tchèque et de la Slovaquie, ces quatre membres ex-communistes de l’Union Européenne refusent catégoriquement de participer à l’accueil des réfugiés. Les arguments mis en avant par les autorités de ces pays sont des plus curieux. Dixit premier ministre Slovaque, « Il n’y a pas de mosquées en Slovaquie, les réfugiés ne se sentiraient pas à l’aise » ou bien, les « réfugiés ont choisi d’aller en Allemagne, pourquoi les bloquer chez nous ? [11]»
3. En Afrique, de tels comportements existent aussi. Malgré le caractère obligatoire de la Convention de l’OUA, certains réfugiés ont fait l’objet de menaces physiques, de violences de la part d’agents des pays d’origine voire de refoulement aux frontières.
4. Enfin, certains pays choisissent, pour une raison ou pour une autre, toujours en violation de leurs obligations internationale, les catégories de réfugiés qu’ils décident d’accueillir et de refouler ceux qu’ils ont catalogués « d’indésirables » en fonction de la couleur de leur peau, de leur provenance ou de leur religion. Nous avons tous en mémoire le traitement accordé aux africains résidant en Ukraine et fuyant comme des milliers d’autres, la guerre. Ces Africains ont été traités de façon dégradante et humiliante non seulement par les Ukrainiens (qui les violentaient et leur empêchaient l’accès aux trains et/ou aux bus transportant les fuyards alors qu’il n’y avait aucune discrimination pour les autres), mais aussi par les agents des frontières de certains pays développés (Allemagne, Pologne) qu’ils devaient traverser, pays qui clament haut et fort leur humanisme et leur solidarité. Ils n’ont pas été traités dans les mêmes conditions que les réfugiés ukrainiens ou ceux de toute autre nationalité européenne. En d’autres termes, les pays en question ont délibérément choisi d’avoir « deux poids deux mesures » et d’appliquer deux statuts différents à des situation fondamentalement identiques : – le statut de réfugiés tel que prévu par les conventions internationales aux Européens ; – le statut de migrant aux Africains alors que ceux-ci, dans ce cas précis, remplissaient toutes les conditions requises et étaient des réfugiés.
Ils avaient, de ce fait, des droits garantis par les Conventions de Genève. L’Union Africaine a dû élever une vive protestation pour que ces exactions cessent.
Certains comportements des pays membres de la Communauté internationale vis-à-vis de l’accueil des réfugiés donnent le sentiment que poser cet acte relève de la simple générosité. Certains pays estimant qu’ils sont libres d’être généreux ou de ne pas l’être et de fixer les limites de ce qu’ils peuvent faire ou pas lorsqu’il s’agit d’accueillir des personnes en détresse qui sont menacées.
La notion de « bienveillance » figure bien dans les dispositions de la Convention de Genève mais seulement quand il s’agit pour les États « d’accorder des droits et avantages autres que ceux auxquels les réfugiés peuvent prétendre ». En clair, la Convention de Genève établit les normes minimales pour le traitement des réfugiés en deçà desquelles les États contractants ne peuvent pas aller tout en leur laissant toute la latitude pour accorder des droits et avantages additionnels le cas échéant.
L’assistance aux réfugiés et leur protection, constitue, comme l’indique la Convention de l’OUA, un acte pacifique et humanitaire. Il est essentiellement fondé sur le principe d’humanité en vertu duquel une solution doit être trouvée aux souffrances humaines partout où elles se manifestent en prêtant une attention particulière aux populations les plus vulnérables. Ce principe ne peut être valablement mis en œuvre que sur la base de la solidarité[12] internationale aussi bien au niveau régional qu’au niveau mondial.
Tous les États membres de la Communauté internationale devraient partager la responsabilité de protéger les personnes menacées et fuyant leur pays.
Il y a, selon les termes de Georges Moutafis, une crise mondiale de la solidarité, notamment par le fait que les pays riches se montrent incapables de « réellement partager la responsabilité des personnes qui ont fui leur foyer en quête de sécurité. En d’autres termes, la Communauté internationale ne parvient pas à se mettre d’accord sur un système équitable et prévisible pour protéger les personnes forcées à tout quitter en raison de la violence et de la persécution ».
Certains États sont réticents à se conformer à leurs obligations internationales et posent des actes qui donnent beaucoup plus l’impression que l’accueil et l’assistance aux réfugiés n’est juste qu’une manifestation de leur générosité beaucoup plus qu’une obligation à laquelle ils sont soumis.
Les États justifient ces différents agissements, parfois aux antipodes de leur obligation internationale, par plusieurs raisons :
Capacité limitée à gérer le flux des refugiés
· La capacité du pays à faire face au problème du nombre de réfugiés et la difficulté de gérer un afflux incontrôlable de réfugiés (exemple de la Grèce et de la macédoine) De nombreux pays africains, confrontés à l’afflux des réfugiés font face à de graves problèmes de ressources.
Absence de la solidarité Internationale régionale
· L’Italie sous pression par le flux important de réfugiés s’est plainte du manque de solidarité de certains pays Européens qui ne voulaient pas accorder l’asile aux personnes secourues, a décidé de ne plus accueillir des réfugiés.
Difficile équilibre entre sécurité nationale et sécurité humaine
· Devant la situation des réfugiés, certains États, surtout européens ont pris l’option de mettre l’accent sur leur sécurité intérieure[13] au détriment de la sécurité humaine et ne respectent pas le plus souvent, les normes édictées par l’Union Européenne.
Comportement de certains réfugiés
· Les conditions d’accueil définies par les pays conformément à la Convention de 1951, se révèlent être un couteau à double tranchant et font que certaines conditions d’accueil sont jugées plus favorables que dans d’autres pays. Les réfugiés parfois se donnent le luxe de choisir les pays qui offrent les conditions plus favorables. Par exemple des centaines de syriens ont refusé de débarquer d’un train qui les acheminaient vers le Danemark préférant se rendre en Suède pays, qui, avec l’Allemagne offre des conditions jugées plus attrayantes notamment en ce qui concerne le regroupement familial et les allocations versées aux réfugiés. Cela se passe également entre la France et l’Angleterre.
· Devant cet état de fait, il s’avère urgent de créer les conditions pour donner enfin un sens au principe d’humanité.
· La nécessaire solidarité internationale et le partage des responsabilités
Dès le moment de sa rédaction, la Convention de l’OUA, consciente des difficultés des pays africains à assurer la prise en charge totale voire partielle des réfugiés, a innové en posant le principe de la solidarité nécessaire pour assurer aux personnes fuyant leurs pays une vie décente. Elle stipule en effet, en son article II (4) que « lorsqu’un État membre éprouve des difficultés à accorder le droit d’asile à davantage de réfugiés, cet État membre pourra lancer un appel aux autres États membres, tant directement que par l’intermédiaire de l’OUA ; et les autres États membres, dans un esprit de solidarité africaine et de coopération internationale, prendront les mesures appropriées pour alléger le fardeau dudit État membre accordant le droit d’asile ».
Sur le plan international, après deux années d’intenses consultations menées par le HCR avec les États membres, les organisations internationales, les réfugiés, la société civile, le secteur privé et des experts, le Pacte Mondial sur les réfugiés a été approuvé par l’Assemblée Générale des Nations-Unies le 17 décembre 2018. Il a pour vocation de mettre en place un système de partage équitable des charges et des responsabilités en matière d’accueil des réfugiés. Il fournit un plan global pour que les communautés accueillantes obtiennent le soutien dont elles ont besoin et que les réfugiés mènent une vie productive. De ses 4 objectifs fondamentaux, on peut en retenir notamment :
• L’allègement de la pression sur les pays d’accueil et
• Le renforcement de l’autonomie des réfugiés. Un forum mondial sur les réfugiés est prévu tous les 4 ans aux fins de suivi et d’examen.
Paradoxalement, ce sont les pays à revenu faible et intermédiaires qui fournissent beaucoup plus d’efforts que les pays riches quand il s’agit des réfugiés. En effet, selon les statistiques de Amnesty International, 84% des réfugiés à travers le monde vivent dans des pays en développement alors que de nombreux pays riches se consacrent prioritairement à développer des politiques restrictives et mettent tout en œuvre pour « dissuader les demandes d’asile et empêcher les gens de venir[14]
L’accueil des réfugiés est bel et bien une obligation internationale qui lie les États parties aux différentes Conventions y relatives. En plus, on ne peut pas parler de courtoisie diplomatique parce que les réfugiés ne sont pas des diplomates. Il est important, dans le cadre de l’humanisme et de la solidarité nécessaires que des systèmes et des mécanismes adéquats soient mis en place à tous les niveaux pour faire en sorte que la solidarité ne soit pas un vain mot, qu’elle s’applique de façon égale, comme le stipule l’article 3 de la Convention de Vienne de 1951, sans discrimination quant à la race, à la religion ou au pays d’origine. En outre, la générosité devrait simplement se manifester dans la mise en œuvre des dispositions de l’article 5, qui demande aux États d’accorder, s’ils le souhaitent, des avantages additionnels aux réfugiés indépendamment de ceux prescrits par la Convention.
Demander, que dis-je espérer le respect de leurs obligations internationales par les États parties aux différentes conventions sur les réfugiés est un vœux pieu car, d’une part, les relations internationales sont guidées par les intérêts des États, et d’autre part, il faut se rendre compte que dans la réalité, les pays développés ne sont plus enclins à mettre en œuvre la Convention de Vienne sur les réfugiés parce qu’ils trouvent, aujourd’hui, ses dispositions impossibles à appliquer. C’est une déclaration qui est faite en off, certains soulignant que c’est ainsi mais qu’ils ne l’exprimeront jamais.
Pour terminer, à mon avis, et d’une façon plus globale, il serait beaucoup plus efficace de mettre l’accent sur les raisons qui engendrent les situations de réfugiés, notamment celles relevant de l’action humaine (et non des catastrophes naturelles), c’est-à-dire, de trouver les moyens d’éviter les conflits et les guerres et de ne ménager aucun effort pour faire en sorte qu’ils ne surviennent plus. Mais, ceci est une autre histoire.
[1] Gilles Ferragu L’invention des normes diplomatiques 1815-1961 : la politesse des Rois », Mondes 2014/9/1 n°5 p 57-80 ; et Convention de Vienne sur les relations diplomatiques et consulaires en ses article 29 à 30.
[2] La plupart des États parties à la Convention délivrent ce titre de voyage. Le document est aujourd’hui aussi largement reconnu que l’était le passeport Nansen. Il s’agissait d’un certificat d’identité et de voyage créé à l’initiative de Fridtjof Nanssen à la Conférence intergouvernementale de juillet 1922à Genève. Il était entièrement destiné aux réfugiés et apatrides russes et a, par la suite, été étendu à d’autres nationalités. En 1924, 38 États l’avaient adopté. La dénomination a été supprimée après la deuxième guerre mondiale. C’est le titre de voyage en cours en ce moment qui remplace le passeport Nanssen.
[3] Elle a inspiré la Convention de Carthagène sur les réfugiés de 1984
[4] Article 9 de la Convention de Vienne
[5] La Convention de 1951 établit une obligation de moyens en demandant aux Etats de prendre les dispositions nécessaires, dans leur réglementations nationales, pour transposer ce traité international dans leurs systèmes juridiques respectifs.
[6] Article II, par. I
[7] La loi doit être interprétée et appliquée de la manière la plus respectueuse des droits humains et de la personne concernée
[8] Au 17 octobre 2019, 145 États étaient parties à la Convention de 1951 ; 146 au Protocole de 1967 ; 142 parties aux deux instruments ; 2 États parties seulement à la Convention de 1951 (Madagascar et Saint-Christophe-et-Niévès ; 3 sont uniquement au Protocole (Cap vert, Etats-Unis et Venezuela) ; 49 États n’ont pas signé la Convention de 1951 ni son Protocole de 1967.
Pour la Convention de l’OUA de 1969 seuls 46 des 55 États membres de l’Organisation l’ont ratifiée.
[9] Angela Merkel, à l’époque a écouté son opinion nationale, qui suite à une série d’attaques contre les centres de demandeurs d’asile notamment dans l’ex RDA (Saxe) et la photo de l’enfant Aylan Kurdi sur une plage turque qui a fait le tour du monde s’est largement exprimée en faveur de l’accueil des réfugiés.
[10] En 2015,3800 soldats ont été déployés le long de la clôture « anti-migrants longue de 175 kilomètres construits le long de la frontière entre la Hongrie et la Serbie pour essayer de juguler le flux de migrants qui se dirigeaient vers l’Allemagne. En un seul mois, 50.000 migrants sont arrivés en Hongrie
[11] La Hongrie, la Pologne et la Tchécoslovaquie ont pourtant bénéficié de la protection des réfugiés telle que prescrite par la Convention de Genève et son Protocole: En effet, après l’insurrection hongroise de 1956 le monde a reçu 200 000 réfugiés, soit 2% de la population du pays; le même nombre de Tchécoslovaques a fui après l’écrasement du «Printemps de Prague» en 1968; et 250 000 Polonais ont trouvé refuge à l’Ouest après la proclamation de la loi martiale en 1981 qui a mis fin à l’expérience de «Solidarité solidarnosk comme tout le monde s’en souvient».
[12] https://www.amnesty.org/fr/what-we-do/refugees-asylum-seekers-and-migrants/global-refugee-crisis-statistics-and-facts/
[13] Notamment en augmentant de façon notable le budget et les équipements des opérations navale conjointes Triton et Poséidon qui gardent toujours leur mandat axé sur la surveillance.
[14] Cf Georges Moutafis, Ibid.