Dans la grande famille des mensonges, fictions, ragots, racontars et fausses rumeurs, le nouveau-né s’appelle officiellement la Fake news utilisé à des fins de manipulations, de propagande. Les exemples sont légions depuis la dernière élection présidentielle américaine. De quoi s’agit-il ? Comment contrer cette invasion parfois néfaste sur le plan social ? Comment s’en protéger ?
La Fake news appelée infox selon la commission d’enrichissement de la langue française, ne remplace pas la rumeur, et en est encore moins le prolongement. La rumeur court depuis la nuit des temps. Qui n’a jamais entendu : « il paraît » ; « on a dit que » ; « de sources sûres » ; « de sources diplomatiques » ; « c’est une source crédible » etc. Les rumeurs sont aussi appelées « radio Treichville (1) », « kongossa (2) », « radio trottoir », « racontars », et/ou « cancans ».
Pour certaines personnes, la propagation de rumeurs est un moyen d’obtenir des renseignements sur des questions qui les préoccupent ou qui préoccupent un groupe, économique, financier, social, politique, syndical, culturel…On fait courir un bruit sur un problème dont on n’est pas sûr de la véracité, en espérant une infirmation ou une confirmation, selon la réaction des cibles visées. On parle alors d’info ops et les émetteurs de ces rumeurs pensent ainsi détenir une forme de pouvoir.
La rumeur peut néanmoins être « positive » lorsqu’elle sert d’alerte par exemple s’agissant d’une épidémie, lorsqu’un cas suspect est repéré après une information officielle. Elle permet alors d’anticiper et d’apporter une réponse appropriée pour contenir l’épidémie. Dans une situation de climat social tendu et/ou de violences potentielles, la rumeur peut également être positive, les entités en charge des questions de cohésion sociale pourront alors anticiper, par le dialogue, la médiation ou tout autre mécanisme pacifique pour éviter une aggravation ou une généralisation du conflit.
Pour les entreprises, la rumeur peut faire office de ballon d’essai stratégique avant de lancer un produit pourtant connu. Il s’agit alors d’une « rumeur manipulée », qui en réalité, n’est qu’une « fuite » organisée qui permettra, lors de la vente du produit, de battre des records commerciaux. Certaines grandes marques de téléphonie mobile ou du secteur automobile fonctionnent ainsi. La concurrence s’en sert également comme « outil » de contre-attaque.
« De nos jours, ce que la rumeur et les Fake news ont en commun c’est l’usage du web 2.0 qui leur permet de se rependre très vite, mais parfois à quel prix ! »
La Fake news intrusive sur le plan électoral
Les Fake news ont fait leur entrée fracassante et se sont invitées dans plusieurs élections à travers le monde. La plus emblématique, qui a concentré presque tous les regards et toutes les attentions, est celle du Président américain de 2016. Un cas qui pourrait être un excellent sujet d’étude par les universités ou par des Think Thank tant il a bouleversé certaines habitudes des campagnes électorales.
À travers le monde, il devient courant de lire dans la presse et via les réseaux sociaux, la comptabilité des Fake news par jour ou par mois. Sans Éthique encore moins de scrupules, certaines personnes ou certaines entités ont même créé des « laboratoires » à Fake news pour manipuler l’opinion publique, tenter d’influer sur une position ou une décision, faire de la propagande et/ou déstabiliser un système.
Les Fake news sont un phénomène mondial qui n’épargne en réalité aucune sphère de la vie quotidienne. La rapidité des réseaux sociaux, une forme d’addiction à ceux-ci, la recherche du scoop, du buzz et une communauté perméable aux flots d’informations sans tri, rendent ces Fake news virales.
La loi comme réponse ?
Plusieurs pays, dont, l’Allemagne, le Brésil, la Côte d’Ivoire, l’Égypte, la France, le Kenya, la Malaisie, ont légiféré ou enclenché des processus pour sanctionner ce fléau ne respectant ni l’éthique ni la déontologie du métier de journaliste et ont essayé d’y mettre un terme. Les mesures prises sont accueillies différemment. Tantôt elles sont perçues comme un déni de liberté d’expression et sont alors critiquées et dénoncées, tantôt elles sont accueillies favorablement comme une protection au regard des dégâts causé par les Fake news. La liberté d’expression donne-t-elle le droit de propager de fausses informations ? Considérer les Fake news comme un déni de liberté d’expression rappelle tout le débat qui a abouti à la dépénalisation des délits de presse dans certains pays. La liberté d’expression donne-t-elle un blanc-seing pour écrire ce que l’on veut ? Pour mettre à mal réputation et image, d’une personne physique ou morale ? Les auteurs de ces Fake news sont-ils au-dessus de la loi ?
« La liberté d’expression donne-t-elle le droit de propager de fausses informations ? »
Les questions à se poser en toute responsabilité
Le combat contre les Fake news doit se faire à plusieurs niveaux. Au niveau personnel, il est de la responsabilité de tous les citoyens de prendre action ; Pour ce faire, il est important d’apprendre à repérer la source de l’information et à se poser des questions clés : qui a écrit cet article ? Le site consulté est-il sérieux ou douteux ? De quand date cette information ? Dans quel contexte intervient ce qui est présenté comme information ? Et si c’était faux ? Et si c’était une manipulation ? Et si on voulait se servir de moi comme relais ? Nous nous sentirons tous interpellés si nous nous posions les questions supplémentaires suivantes : et si j’étais la cible d’une Fake news qui détruirait ma famille, ma réputation ? Et si j’étais la cible d’une Fake news qui entrainerait mon licenciement, quelle serait ma réaction ? et nous nous engagerons alors à contrer ce vent des Fake news ainsi que les nouveaux phénomènes qui lui sont plus ou moins reliés, notamment la théorie des « faits alternatifs », qui apparaissent de plus en plus pour justifier une liberté qui serait prise par rapport à l’information et à la vérité.
Eliane Hervo-Akendengué IPITI Consulting, Partner
1 – En Côte d’Ivoire
2 – En Afrique centrale