La gouvernance

La gouvernance peut être bonne ou mauvaise. La mauvaise gouvernance qualifierait un système dans lequel les principes et les institutions requises existeraient de manière « fictive » « virtuelle » parce que non efficaces et non appliqués. Il s’agit d’un système gangrené, (du fait de la non application et de la non considération des règles de la gouvernance) par la corruption, l’indiscipline des citoyens, la violence etc., bref, tout ce qui caractérisent fondamentalement le sous-développement et qui le perpétuent. A contrario, la bonne gouvernance serait une gouvernance qui met en œuvre de façon effective et efficace tous les mécanismes et les principes de la Gouvernance. La bonne gouvernance, comme le dit Kofi Annan, « is the single most important way to end poverty and support developement ». 

Mais qu’entend-on par gouvernance ? 

La gouvernance fixe les règles du « gouvernement ». Cette notion est prise ici au sens large c’est-à-dire qu’elle s’entend de tout entité, structure ou de tout groupe de personnes qui a la charge de la conduite ou de la direction d’une société humaine ou d’un groupe. La gouvernance se rapporte donc de tout le mécanisme qui consiste à faire en sorte que chacune des parties prenantes de la société humaine donnée ou du groupe considéré trouve un intérêt à coopérer et se voit offrir la possibilité de jouer sa partition. Ici ressort donc la notion d’interdépendance. 

Dès lors, dans sa mise en œuvre, la gouvernance devrait rechercher la gestion efficace et optimale de cette interdépendance entre les parties. Pour ce faire, il est nécessaire de définir et d’adopter un système de représentation, des institutions (démocratiques) et de procédures, de moyens de mesure, de processus de corps sociaux capables de gérer de manière pacifique les relations entre les parties prenantes. Mais en pratique, la Gouvernance va bien au-delà, en effet, contrairement à la perception et à la pratique surtout en Afrique, la gouvernance n’est pas un vœu pieu. Elle ne se résume pas seulement en un ensemble de principes simplement formulés, ou d’institutions existantes pour la forme. Encore faudrait-il que le mécanisme mis en place soit appliqué et qu’il fonctionne. Pour être efficace et adaptée, la gouvernance devrait partir de l’identification claire des défis auxquels chaque groupe ou chaque société humaine est confrontée. La solution à ces défis va entrainer la définition et la mise en œuvre de pratiques adéquates qui permettent de résoudre les problèmes identifiés. Ces pratiques, reconnues par toutes les parties prenantes, adoptées et mises en œuvre de façon continue deviendront ainsi la règle. Prise sous cet angle, la gouvernance peut et doit s’appliquer à tout ou presque tout. 

« La gouvernance n’est pas un vœu pieu. Elle ne se résume pas seulement en un ensemble de principes simplement formulés, ou d’institutions existantes pour la forme. » 

Lorsqu’il s’agit du gouvernement d’un pays, la gouvernance se rapporte alors à la manière dont ce gouvernement exerce son autorité économique, politique et administrative et à la manière dont il gère les ressources de ce pays en vue de son développement. Cependant, on ne saurait parler de gouvernance en l’absence d’un système efficace de mesure de la performance fondé sur l’élaboration et la construction de tableaux de bord équipés d’indicateurs de performance. C’est la prise en compte efficace de cette obligation de mesure de performance qui a permis au Rwanda, avec son système IMIHIGO (contrats de performance), de devenir de nos jours le champion de la gouvernance en Afrique, de lutter efficacement contre la pauvreté et de promouvoir son développement. Ce pays s’est appuyé sur une pratique ancrée dans ses traditions (1) pour définir en 2006, son architecture de mesure de la performance après avoir décentralisé la gouvernance en 2000 (2). 

« On ne saurait parler de gouvernance en l’absence d’un système efficace de mesure de la performance…» 

La gouvernance repose sur 4 principes :

  1.  La responsabilité (accountability) : les dirigeants à tous les niveaux rendent compte de leurs actions et de leur gestion devant les populations ou ses responsables ; 
  2. La transparence dans tous les secteurs pour permettre à chaque citoyen d’accéder à l’information ce qui renforce la confiance ; 
  3. L’État de droit (rule of law) : la puissance publique est soumise au droit. C’est un système institutionnel fondé sur la primauté du droit (respect des normes juridiques), chacun étant soumis au même droit (individu ou puissance publique); 
  4. La participation des citoyens, c’est-à-dire que leurs voix sont entendues à tous les niveaux. Ce principe de la participation signifie que les citoyens, même s’ils ont démocratiquement élu leurs représentants, veulent être consultés et entendus sur toutes les décisions qui les concernent. Les décisions ne doivent ainsi pas être prise par un unique décideur mais de façon concertée avec les citoyens. Le mouvement des « chemises jaunes » en cours en ce moment en France traduit cet état de fait. Cette revendication de la participation des citoyens amène certains à prôner un retour à la démocratie direct va jusqu’à la revendication d’un retour à la forme première de la démocratie qui est la démocratie directe par laquelle le peuple exerce directement le pouvoir politique, tant un peu partout dans le monde, les gens se reconnaissent de moins en moins dans les politiques, certaines formules, dont celles de la mise en œuvre démocratie « collaborative » ont été avancées dans ce sens. 

Aïchatou Mindaoudou CEO Ipiti Consulting

 

1 – Dans la société traditionnelle rwandaise, chaque problème que la communauté rencontre doit être réglé en définissant des objectifs individuels ou collectifs qui définissent le rôle de chacun. Chaque personne concernée prend ainsi l’engagement et prête publiquement (en présence des responsables de la communauté et des aînés) serment de relever le défi. Ainsi, à l’époque pré coloniale le « IMIHIGO » s’appliquait à toutes les sphères de la communauté ; (le chef de terre s’engageait à rendre disponible les récoltes, le chef des pâturages promettait de rendre disponible le lait et le beurre, le chasseur faisait le serment d’à apporter la viande à la famille et même le faiseur de pluie s’engageait à ce qu’il pleuve. Selon la superstition, ne pas relever ces différents défis et violer les serments ainsi pris, serait puni par certains esprits supranaturels. Cf Rwandan Homegrown solutions and good practices « the drivers of transformation”. 

2 – L’objectif de la décentralisation était de permettre aux populations au niveau local de participer pleinement et de définir leurs priorités et leurs besoins socio-économiques passant ainsi de la situation où les populations attendaient tout du gouvernement comme un enfant attendrait tout de ses parents à la prise en charge par les populations de leurs propres affaires.